"Il faut que mon style ait la démarche de mes personnages", écrivait Charles-Ferdinand Ramuz. "Il faut que mon style ait la démarche de mon personnage", lui fait écho le manager type. Faute de se connaître lui-même, le gestionnaire lambda projette ses propres mécanismes sur ses collaborateurs. A l'instar de celui que je viens d'interviewer...
Cadre bardé de diplômes, Perceval Challenge se dit à
l'aise dans son rôle de manager dynamique. "Aller de l'avant, sortir des
sentiers battus. Telle est ma devise!", m'assène-t-il. Et d'ajouter,
banal: "Ces jours-ci, je suis sous pression: je gère sept projets en
parallèle."
"Sept d'un coup! Tel le valeureux petit
tailleur...", sourié-je intérieurement. Surgit alors ma question fétiche:
"Racontez-moi, Perceval, quel est votre style de management?"
Mon style de management à moi
"Je suis un leader aux hautes exigences,
tonitrue-t-il avec emphase. Je pousse mes subordonnés à progresser rapidement
vers leur objectif. Prise d'initiatives et vivacité d'esprit: voilà les
qualités que j'apprécie chez eux. Enfin, la plupart d'entre eux..."
"Ah bon? Ils ne marchent pas tous de la même
manière?", osé-je, impertinent. "Hélas non!", tonne Perceval,
sourd à ma provocation. "J'ai bien du mal à faire façon de mon comptable.
Directives et procédures, c'est tout ce qui lui importe! Ne l'imaginez pas
sortir du cadre. Je vais le remplacer par un jeune: un innovateur qui a de
l'audace."
Mon style de management à eux
Un comptable créatif et intrépide, plutôt qu'efficace
et fiable? Drôle d'idée... Philosophe, je prends congé de Perceval: encore un
manager intimement persuadé que le monde doit être à son image...
"Il faut que mon style ait la démarche de mes personnages", écrivait, au pluriel, Charles-Ferdinand Ramuz. Mes personnages, ce sont mes collaborateurs. Et mon style, c'est le leur.